L'histoire du café en Suisse : des origines aux tendances modernes
Le café en Suisse, c'est un peu comme les montagnes et les lacs helvétiques. On ne les imagine pas séparés tant ils font partie du paysage culturel. Pourtant, il fut un temps où le café était un produit exotique et rare. Dans cet article, nous allons voyager dans le temps pour découvrir comment ce breuvage aromatique a conquis le cœur et les tasses des Suisses. Nous décrirons son arrivée, son développement, ses évolutions récentes et les tendances modernes qui ont émergé dans le pays. Alors installez-vous confortablement, tasse en main, et partons ensemble à la découverte de l'histoire du café en Suisse.
Aux origines du café: un produit exotique #
L'histoire mondiale du café remonte à des contrées lointaines, principalement l'Éthiopie et le Yémen, avant de gagner rapidement le Moyen-Orient et l'Europe. Ses premiers pas en Europe vers le 17e siècle ont touché les grands ports de l'époque (Venise, Marseille, Londres), puis ce fut le tour de la Suisse. Bien que la Suisse soit enclavée, le pays possédait tout de même une position géographique privilégiée pour le commerce. Les routes traversant les Alpes permettaient l'échange de marchandises venues d'Orient, dont le café.
Au début, c'était une exotique curiosité. Les premiers buveurs en Suisse étaient principalement des personnes fortunées ou bien connectées avec le vaste réseau de négoce européen. D'un point de vue strict, le café pouvait être considéré comme un luxe presque inaccessible, manipulé avec soin dans de petites tasses en porcelaine. Il se murmurait parmi les classes aisées que cette boisson mystérieuse donnait de l'énergie, réveillait l'esprit et aidait même à la digestion. Peu à peu, le café gagna en notoriété auprès des élites. On venait dans des salons privés ou des assemblées bourgeoises pour découvrir cette « boisson miracle ». Dans la foulée de ce phénomène, se sont créées les premières maisons de torréfaction de café en Suisse, des lieux qui traitaient le grain et le préparaient pour la consommation croissante.
Premiers cafés publics: lieux de rencontre et de débats #
Les cafés publics ont commencé à fleurir en Suisse au 18e siècle, dans la lignée de ce qui se passait déjà ailleurs en Europe. Le but n'était pas seulement de déguster du café: ces établissements offraient des lieux de rencontre, de discussions et d'échanges d'idées. Les politiciens en quête de soutiens, les artistes en quête d'audience et les voyageurs en quête d'informations s'y côtoyaient. Dans certains cafés de Berne, de Genève ou de Zurich, il n'était pas rare de trouver des révolutionnaires en culotte discutant de la marche du monde. Ces cafés ne ressemblaient pas forcément aux lieux de style Art nouveau que l'on imagine parfois. L'intérieur pouvait être plutôt simple et fonctionnel, avec peu d'ornements, mais l'énergie qui y régnait suffisait pour en faire des endroits vivant au rythme des débats animés et du cliquetis des tasses.
Le succès de ces cafés publics tenait notamment au fait qu'ils proposaient un nouveau type de sociabilité. Dans un pays multilingue et foisonnant de diverses traditions cantonales, le café était un dénominateur commun qui plaisait aux gens de différentes classes sociales. On pouvait y croiser des professeurs, des ouvriers, des commerçants, tous venus discuter de sujets allant de la politique à la météo, et bien sûr, déguster un petit noir ou un café crème selon la préférence régionale. Les cantons alémaniques, latins et romands se rejoignaient dans ce goût pour la convivialité autour d'un bon café.
L'expansion de la torréfaction locale #
Très tôt, la Suisse a développé un savoir-faire de torréfaction et de préparation du café. Les torréfacteurs suisses recherchaient des grains de qualité, importés avant tout de pays comme le Brésil, la Colombie ou l'Éthiopie. Les marchands suisses entretenaient de bons contacts avec des comptoirs internationaux, ce qui leur permettait de s'approvisionner en grains sélectionnés. Chaque région affirmait son identité: si un torréfacteur de Zurich proposait une version plus corsée, un autre à Genève pouvait se baser sur des mélanges plus fins et fruités. Les ressources naturelles suisses, notamment la qualité de l'eau de source, jouaient elles aussi un rôle important dans le goût final du café.
Au fil du temps, des noms de torréfacteurs suisses se sont imposés dans le marché national, devenant des institutions familiales. À une époque où il n'y avait pas encore de grandes multinationales du café, ces enseignes locales étaient fières de leur indépendance et de leur lien privilégié avec la clientèle. Elles jouaient également un rôle social important: le torréfacteur n'était pas seulement un commerçant, il devenait le conseiller qui décrivait le caractère d'un café, expliquait comment mieux le déguster et suggérait des méthodes de préparation adaptées (cafetière italienne, filtre, etc.). Dans certains cas, ces torréfacteurs faisaient également office de salle de dégustation improvisée. Si aujourd'hui les grandes marques se sont multipliées, la tradition de micro-torréfaction reste encore vivante, portée par des passionnés soucieux de la qualité.
Pionnier de l'industrie: la Suisse et les grandes marques de café #
Il serait impossible de parler de café en Suisse sans mentionner l'une des plus grandes révolutions qu'a connues le marché mondial: la popularisation des capsules et des dosettes, portée en particulier par une entreprise suisse (vous la connaissez sans doute... le nom commence par un N et se termine par espresso). Cette grande entreprise a mis sur le marché un concept de machines à café utilisant des capsules individuelles. Fini de mesurer, moudre et doser son café, tout est conditionné dans de petites dosettes en aluminium. Il suffit de presser un bouton pour obtenir (en principe) une tasse de café parfaite grâce à une machine élégante.
Ce concept a connu un succès phénoménal dans de nombreux pays. La Suisse, terre d'innovation technologique et de goût pour la précision, est passée maître dans l'art de développer des machines à café ultra-performantes et d'industrialiser des procédés de dosage précis. Toutefois, l'avènement des capsules a engendré certains débats, à la fois sur la qualité du café (certains puristes regrettent la perte de l'artisanat dans les capsules) et sur les considérations écologiques (difficile de nier le besoin de recycler convenablement ces petits contenants en aluminium). Quoi qu'il en soit, la Suisse s'est imposée comme une plaque tournante incontournable, non seulement pour la production de capsules, mais également pour la manufacture des machines à café automatiques et semi-automatiques.
La tradition suisse de l'espresso et du café crème #
Si vous voyagez à travers la Suisse, vous remarquerez vite que l'espresso a une place de choix sur presque toutes les cartes de restaurant, parfois juste à côté du traditionnel café crème. La culture italienne, très présente dans le Tessin, a sans doute contribué à l'amour de l'espresso dans la Confédération. De la petite tasse corsée, on est ainsi passé au café crème, une version un peu plus longue, souvent appréciée dans la partie germanophone, servie avec un nuage léger de crème ou de mousse de lait.
En Suisse romande, il est tout à fait commun de voir des gens se réunir autour d'un simple café pour partager les potins du village ou faire une pause bien méritée. Plus au sud, du côté tessinois, la culture du bar à l'italienne règne: on prend son café au comptoir, parfois accompagné d'un petit biscuit, et on se fond dans la convivialité méditerranéenne. Cette diversité reflète bien l'esprit suisse: un mélange d'influences entre tradition locale et inspirations étrangères.
L'essor récent du café de spécialité et de la troisième vague #
Si les capsules et les machines automatiques ont longtemps dominé le marché, on assiste aujourd'hui à un renouveau de l'intérêt pour le café artisanal ou café de spécialité. La fameuse « troisième vague du café » a fini par s'implanter en Suisse également. Cette nouvelle approche, qui met l'accent sur la qualité des grains (souvent traçables directement depuis la ferme productrice), la torréfaction légère à moyenne, et les techniques d'extraction innovantes (Chemex, V60, Aeropress, etc.) a su conquérir les amateurs recherchant une expérience gustative subtile.
De plus en plus de micro-torréfacteurs s'installent dans les quartiers branchés de Zurich, de Lausanne ou de Genève. Ces torrefacteurs vont souvent à la rencontre des producteurs, sélectionnent des grains d'exception et informent leurs clients sur l'origine du café (pays, région, méthode de traitement). Pour la préparation, ils optent pour des techniques manuelles comme l'infusion par filtration lente, synonyme d'une trajectoire bien éloignée de la capsule rapide. L'objectif? Offrir au consommateur une boisson complexe, révélant des arômes fruités, acidulés et parfois chocolatés, avec très peu d'amertume. Cette troisième vague séduit de plus en plus et se double d'un souci global pour des pratiques plus éthiques, y compris le commerce équitable et le respect de l'environnement.
Les festivals et événements café #
Autre signe du succès grandissant du café en Suisse: les festivals et événements dédiés. On voit régulièrement apparaître dans les grandes villes des salons dédiés au café. Des torréfacteurs locaux, des importateurs de machines, des baristas professionnels et des amateurs de bon café s'y retrouvent pour partager conseils, tendances et coups de cœur. Dans ces salons, on peut assister à des compétitions de latte art, au cours desquelles des baristas talentueux tentent de réaliser la plus belle rosette ou le plus beau cygne dans une tasse de cappuccino. Ces spectacles sont particulièrement prisés du public, car ils allient performance artistique et maîtrise technique.
Il existe également des concours de dégustation technique (appelés « cuppings »). Dans ces épreuves, les juges doivent identifier la provenance ou les spécificités aromatiques de différents cafés. Parfois, c'est un vrai parcours sensoriel pour distinguer une note de mangue d'une pointe de caramel, ou pour reconnaître une légère acidité rappelant un agrume. Ces événements sont aussi l'occasion pour les acteurs du café de se rencontrer et de nouer des partenariats. On y découvre souvent les produits que l'on retrouvera plus tard sur le marché, notamment de nouvelles machines, des systèmes de filtration ou encore des accessoires pour parfaire la préparation à la maison.
Les cafés historiques et lieux d'exception #
Lorsque l'on parcourt la Suisse, on découvre assez vite l'existence de cafés historiques ou de petites adresses de charme qui perpétuent la tradition. Dans certaines villes, on trouve encore ces établissements centenaires où l'intérieur évoque une époque révolue: des banquettes de bois, un comptoir en marbre, des miroirs décoratifs, des luminaires anciens et parfois un piano dans un coin. L'atmosphère y est à la fois feutrée et vivante, un mélange parfait pour prendre un café crème, accompagné de pâtisseries régionales ou d'un croissant le matin.
Prêts à faire un petit tour touristique? À Lucerne, on peut tomber sur des cafés discrètement situés dans des bâtisses anciennes près du lac. À Genève, certains bistrots traditionnels situés non loin du Jet d'eau conservent encore un charme d'antan. À Fribourg, les cafés sont parfois adossés aux remparts et offrent une vue pittoresque sur la rivière Sarine. Si vous êtes de passage à Bâle, n'hésitez pas à vous perdre dans la vieille ville et à pousser la porte de petits cafés parfois méconnus, où l'on peut savourer un café accompagné d'un bâle leckerli (un biscuit traditionnel local).
Le rôle de la Suisse dans l'innovation et la durabilité #
Au-delà de l'aspect purement gustatif, la Suisse participe à la recherche de solutions plus durables dans le monde du café. De nombreuses entreprises helvétiques misent sur l'économie circulaire et soutiennent des projets de reforestation dans les pays producteurs. Le challenge consiste non seulement à améliorer la qualité du café, mais aussi à assurer de meilleures conditions pour les agriculteurs et à protéger la biodiversité des régions concernées.
Les universités suisses et les centres de recherche travaillent parfois sur l'optimisation des processus de torréfaction ou la mise au point de nouvelles capsules plus écologiques. Plusieurs marques suisses proposent des capsules compostables (fabriquées en matériaux biosourcés) ou des systèmes de dosette réutilisable. Bien que ces systèmes ne représentent pas encore la majorité, la prise de conscience progresse, poussée par des consommateurs suisses de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. Pour eux, l'expression « un café avec conscience » prend tout son sens.
Tendances actuelles: coffee trucks, cafés collaboratifs et baristas nomades #
Avec la vague de la street food et les tendances urbaines, on a vu apparaître des coffee trucks dans plusieurs villes suisses. Ces véhicules aménagés en véritables bars à expresso itinérants permettent de déguster un café de qualité sur les marchés, lors d'événements sportifs ou dans des festivals d'été. Ils proposent très souvent des cafés issus de torréfacteurs locaux et misent sur des produits régionaux (lait, pâtisseries, etc.) pour créer une expérience à la fois conviviale et authentique.
Parallèlement, certains espaces de coworking ou de coliving incluent désormais leur propre barista sur place, transformant la pause café en un moment de networking productif. Des baristas nomades se rendent aussi dans des entreprises pour des événements thématiques ou pour initier le personnel à l'art de la latte, aux méthodes d'extraction lente ou encore à la création de cocktails à base de café. Ces initiatives témoignent de la capacité du café à fédérer les gens et à générer une sociabilité autour d'une passion commune.
Préparer son café à la maison: vers une sophistication qui gagne du terrain #
Pour les particuliers, il n'a jamais été aussi facile de trouver l'équipement et les grains adéquats pour préparer un café exceptionnel chez soi. Les boutiques spécialisées en ligne ou les micro-torréfacteurs locaux proposent désormais une variété impressionnante de grains en provenance d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Asie, chacun avec son propre profil aromatique. On peut acheter une machine filtre haut de gamme ou opter pour une méthode alternative (Chemex, V60, Aeropress). Certains Suisses se plongent même dans la torréfaction maison grâce à de petits appareils destinés à cet usage. Bien sûr, ce n'est pas à la portée de tous, mais c'est un signe du degré d'enthousiasme grandissant autour de la culture café.
Sur les réseaux sociaux, l'engouement pour la préparation à la maison se traduit par d'innombrables tutoriels, recettes et astuces pour bien moudre son café, contrôler la température de l'eau, chronométrer l'extraction et utiliser des balances de précision. Au lieu de se contenter d'un café rapide, certaines personnes sont prêtes à consacrer une partie de leur matinée à expérimenter et à améliorer leurs techniques d'extraction. Les puristes comparent la préparation du café à un art nécessitant patience, curiosité et goût de l'expérimentation.
Vers l'avenir du café en Suisse #
L'histoire du café en Suisse est celle d'un breuvage exotique devenu pilier de la culture helvétique. Le café a su conquérir le pays dans sa diversité linguistique et culturelle, trouvant un écho tant auprès des amateurs d'espresso corsé que des adeptes du café crème. Il a traversé les époques, de l'ère des salons bourgeois au triomphe des capsules, pour se réinventer aujourd'hui avec la montée des cafés de spécialité et de la troisième vague.
L'avenir du café en Suisse passe sûrement par une conjugaison de tradition et d'innovation. D'un côté, on retrouve un enthousiasme pour le retour aux sources, la traçabilité et l'artisanat. De l'autre, on constate le développement de nouvelles technologies avec des machines toujours plus performantes, des capsules écologiques et des procédés de torréfaction avancés. On peut s'attendre à voir se multiplier les festivals, les collaborations entre acteurs locaux et la popularisation des pratiques éco-responsables.
Sans doute, dans quelques années, la pause-café en Suisse s'accompagnera d'une transparence totale sur le parcours du grain et d'un recyclage parfaitement intégré. Peut-être verrons-nous fleurir de nouveaux concepts de cafés virtuels, où l'on pourrait commander un latte artisanal d'une ferme coopérative via une application, qui sera ensuite livré par un véhicule électrique. Car si l'histoire du café en Suisse est intimement ancrée dans la tradition, elle ne cesse de se renouveler. L'important reste de partager des moments de convivialité et de savourer des arômes riches et variés. Santé, ou plutôt... Prost, Santé et Salute, puisque nous sommes en Suisse!
À bientôt,
L'équipe de Cafetiere.ch